Le Berger 2024

Ils ont touché le fond !

Samedi 27 juillet 2024 – Descente au Berger, objectif – 1000 !

Élise, Brice, Christophe CdL, Laurent, Sébastien, Serge
Darioush était avec une autre équipe.

T. P. S. T. : entre 16 h 00 et 22 h 00 (moyenne 19 h 00)

Qui a eu cette idée folle d’aller un jour taquiner le fond du Berger ?

Je m’en vais vous le conter tout à l’heure.

Jeudi 25 juillet, 7 h 00

Tout a commencé ce matin*, au réveil, où j’ai le souvenir tenace d’un cauchemar horrible. Je me vois au fond du Berger**, me débattre avec mes Jumars, comme un pantin, à tenter de remonter les 1000 mètres de galeries, de puits, de ruisseaux et de cascades jusqu’à l’air libre.
Pour mémoire, 1000 mètres, ça fait pas loin d’1 kilomètre. Et oui, quand même !


Je me réveille, je me pince et je me rassure, ce n’était qu’un horrible cauchemar. Ce n’est qu’au petit déjeuner que je me rends compte que mon agenda électronique sonne, à grands beeps, que le départ est imminent.

Départ ? Quel départ, et pour où ?
J’ouvre mon agenda papier (on ne se moque pas de mes petits agendas, mes notes et mes rappels !) et j’y lis : « Jeudi, départ 8 h 00 pour le Berger »

De quoua ? Le Berger ? Mais c’est un cauchemar !

Branle-bas de combat, je me dépêche, et je pars…

En roulant, je me remémore l’enchainement de mes erreurs.

Un jour (funeste), Sébastien lance une invitation club pour le camp Berger 2024 :
– Première erreur : je réponds au mail au lieu de, comme j’aurais dû le faire, le supprimer corps et bien dans les oubliettes numériques.

– Deuxième erreur : Suite à une lamentable saisie sur les touches de mon clavier (dans la nuit quelqu’un m’a inversé les touches o, u, i avec les touches n, o, n) j’ai probablement dû accepter l’inscription.

– Troisième erreur : Confondant l’achat des T-shirts avec l’inscription au Berger, je me suis engagé financièrement.

– Quatrième erreur : 6 jours avant le départ pour la plus profonde course de ma vie de spéléo, voilà-t-y pas que je choppe le Covid ?

– Cinquième erreur : Pour une fois, la première fois depuis bien longtemps, je n’ai oublié aucun des matériels nécessaires pour m’engager sous terre.

Je n’ai plus aucune excuse valable, mes pleurs n’y pourront rien changer, engagé, je suis, au fond du trou, j’irai.

Je retrouve Brice et Darioush au point de rendez-vous et nous filons dans le Vercors.

Vendredi 26 juillet

Le camp et rempli de spéléos, une palanquée de spéléos. Nous déambulons ici et là, échangeons sur nos folies respectives, faisons les soldes chez Croque-montagne (-20%), faisons un peu de tourisme à la grotte porche de Bournillon histoire de se mettre en jambes.

Vendredi 18 h 00, le briefing !

On nous explique les détails de l’organisation, des descentes, des équipes, des points clés, des cheminements, des poubelles à remonter  contre un cadeau pour 5 kg de déchets remontés.
On explique à Brice, suite à sa question, qu’un spéléo qui abandonne définitivement son matériel (et la spéléo donc) à la sortie du trou, n’est pas comptabilisé dans la pesée. Tout le monde se demande à qui il pense.

Samedi 27 juillet – 6 h 00

Petit déjeuner morose pour moi, mais bonne ambiance quand même.
On se jure fidélité jusqu’à la souffrance, l’on me jure aussi que l’on remontera mon cadavre au cas où. Merci les gars.

8 h 15, entrée du trou, c’est parti !

On est la deuxième équipe du jour.
Les puits d’enchaînent, la descente, c’est fastoche, P8, P28, P24, ça démarre petit.
On arrive au fameux méandre, celui dans lequel les lamas en lévitation ont plus de chances d’arriver entiers. Juste, faut pas se louper si on veut pas s’embouteiller, coincés comme un bouchon de champagne, 10 mètres plus bas.
Arrive l’enchaînement suivant, P36, P24, et enfin, le puits Aldo P40.

Bon, ça y est, – 240, on est à la base des puits…

On se concerte, personne à ce stade n’a l’intention de remonter pour fuir ce piège diabolique.

Voir la topo…

On est maintenant dans le vif du sujet. Grande Galerie, Lac Cadoux (à sec), salle Bourguin et grand éboulis. On arrive à la salle des 13, à nous 6, on est à – 500, il est 11 h 00.
Beaucoup de chiffres, mais pas assez pour nous décourager. On se partage en deux binômes de 3. On pourrait même inventer le mot de triplette ou trinôme pour l’occasion. Or, nous n’en sommes pas aux néologismes, mais à l’aventure. Petit casse-croûte rapide et on repart, fiers et encore (un peu) gaillards.

Ces parties sont absolument magnifiques, mais à partir d’ici, c’est du sérieux.

Salle Germain, Salle de St Mathieu (priez pour nous), le Vestiaire, les Coufinades. Ah, les Coufinades. Arrêtons-nous-y un moment.
C’est une vire aérienne, au-dessus du jus glacé, sur laquelle on évolue à la force des bras, des jambes, des dents, où l’on se sert de tout ce qui dépasse. Elle est longue, interminable, mais on finit par la vaincre.

Heureusement, ces passages aussi sont extrêmement beaux.

Réseau des cascades, on est à la cote – 740. Je raccourcie les passages du grand canyon (- 800), du puits Gaché (- 900), de la grande cascade et du magnifique et spectaculaire puits de l’ouragan (P40), on taquine les – 950.

Même si je n’y suis encore jamais allé, ce point doit ressembler un peu aux Enfers, sauf que le feu est remplacé par l’eau. C’est Dantesque, Poséïdonesque si je puis me permettre.

Lorsque l’on atteint le camp des étrangers (- 1000) on croise des spéléos qui remontent, et on entend des spéléos qui descendent. Par mesure de sécurité, et pour assurer la surveillance de leurs affaires, je me sacrifie pour surveiller les sacs pendant que mes 2 autres compagnons, Brice et Laurent, vont jusqu’au point de confluence avec l’affluent Sud, soit jusqu’au bassin de – 1075, bief mouillé peu fréquentable.

Ils reviennent, petite pause, on attend notre deuxième trinôme qui arrive vite derrière nous, et on remonte pour leur laisser la place, il est quelque chose comme 16 h 00.

Remontée…. Parce qu’il faut bien sortir de ce cloaque.

Le plus dur, c’est maintenant.

Il vous suffit de relire à l’envers le récit ci-dessus et attendre notre arrivée au bivouac de la salle des 13 pour un long repos récupérateur.

Je résume là aussi la remontée puisque c’est le même chemin, j’ajoute juste que Brice passe devant pour préparer les flashes et nous positionner pour les souvenirs, souriez, clic-clac…

Nous atteignons la salle des 13 vers 21 h 00. On se sèche un peu, on se réchauffe, on mange, on se repose, on refait bien les sacs, on repart pour la base des puits.

Là, j’avoue, je vais plus lentement. Je joue l’économie, le fameux « qui va piano va sano ».

La remontée est lente, mais on est dans les clous des abaques des remontées standard. Certains passages sont très bien équipés, d’autres un peu moins, mais ça avance au rythme de mon énergie déclinante.

Base des puits, minuit, on est à – 240. Presque dehors quoi !

Oui, bon, c’est vite dit. Perso, je fatigue. Mais la suite est là, toujours tout droit. Brice prend les devants, Laurent me précède, les puits vont s’enchaîner à la vitesse d’une limace fatiguée.

La vire du méandre est toujours là, toujours aussi légèrement équipée par endroits.

Plus que trois puits, plus que deux, plus qu’un !

Alléluia, je vois le clair de lune !
Je suis sorti, il est 4 h 20 du matin.

Tout va bien, il ne reste plus que 1 h 30 de marche retour (+ 400 m de dénivelé) pour revenir, tel le zombie dans le film du cinéaste Belzebuth DEVIL « Les morts-vivants revenus de l’enfer sont bel et bien crâmés et rabougris ».

C’est un Sergio dans un état second qu’il me semble voir tomber sous sa tente (rapidement déployée) et tenter vainement un sommeil réparateur pour essayer de raviver la flamme bien faiblarde, dans un corps bien entamé, à la limite entre la vie et la non-vie.

Sachez, braves lecteurs, qu’il m’aura fallu près de 4 jours pour pouvoir mettre un pied devant l’autre sans être tenté d’appeler le 15 à chaque pas.

Vive le Berger, même si, du coup, je me demande si je ne me serai pas contenté de la bergère ou de ses brebis, blotti au milieu de tant de douceurs.

Mais allez, positivons, l’objectif du jour*** a été atteint pour cette petite cavité sympathique où il ne suffit que de cumuler les muscles de Popeye, la force de Superman, l’agilité de Tarzan, l’adresse de Spiderman, la puissance de Hulk et l’endurance de Bioman pour apprécier cette petite balade récréative.

Merci à mes compagnons de cordée, merci à mes erreurs, merci à l’organisation.

* ce jeudi matin du 25 juillet, jour du départ.
** Le Berger, cavité de – 1191 mètres, à Engins, Vercors.
*** Pour info, Brice a eu l’idée de programmer prochainement le gouffre Varonya (Varonja) en Georgie, profond jusqu’à – 2197 mètres.  J’hésite…

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