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Voyageurs des strates
22 août 2022

Poursuite des plongées à la NIVE

Plongée du 21.08.22.

Frédo, Jean Louis, Stéphane, Serge

T.P.S.T. : 3h00 x 4

T.P.D.l'E. : 1 h 00 x 1

"Si ça ne sort pas au bout de la nouvelle galerie, j'arrête la plongée et je me mets au macramé." a dit Frédo Verlaguet il y a quelques jours. Alors certes, on se souvient qu'il avait dit plus ou moins la même chose avant de buter contre le mur de la galerie profonde, puis dans la faille remontante à -4m (quelle mauvaise blague...), et aussi dans la "galerie inutile" qui queute à -17m, mais cette ultime quasi-certitude allait-elle signer la fin des activités glorieuses de notre Frédo national ?

Le suspense était à son comble.

N'y tenant plus, il fallait lever le doute, et la mission m'échut. Serge, Jean-Louis et Frédo lui-même ont donc consenti à transpirer une fois de plus pour trimbaler au bord de la vasque les quatre kits de barda, minimum vital pour travailler dans ces galeries noyées qui commencent à devenir lointaines.

Comme je n'avais encore jamais franchi le "point bas" à -48m où l'azote assiège les neurones, j'ai perdu un peu de temps et d'autonomie à m'orienter dans l'espace qui suit, avec en outre une visibilité modeste (de l'ordre de quatre mètres). N'ayant pas d'hélice hélas - c'est là qu'est l'os – tout temps perdu doit se rattraper à la palme... Je suis donc arrivé au terminus de Frédo dans cette longue galerie, tapissée d'argile (l'actif est donc ailleurs), profondeur 9m et 270m de l'entrée, où j'ai dû faire demi-tour pour respecter mes cinquièmes*... assez dépité.

Ajoutons à cela 15min de palier en humide dans une eau à 8-10°C, autant dire que je n'étais pas vaillant en sortant.

Après concertation, il a été décidé de revenir le lendemain, en laissant tout l'équipement au fond, fors les blocs à regonfler.

 

Plngée du 22.08.22.

Jean Louis, Stéphane, Serge

T.P.S.T. : 3h00 x 3

T.P.D.l'E. : 1 h 00 x 1

Avec Jean-Louis, nous remettons le couvert sous une petite pluie fine qui nous épargne la suée du portage. Nous prenons cela pour un bon présage.

Cette fois, pas de temps perdu à musarder en route : la topo de la casbah désormais bien vissée dans le crâne, je file directement au terminus et je l'atteins en vingt minutes. Le moindre coup de palme soulève un brouillard opaque... Je frappe le fil sur le terminus (-9m, 270m) et je déroule dans l'axe. Paf, et merde, un mur. Un peu plus à droite ? Re-paf, et re-merde, un re-mur. Encore un peu plus à droite ? Youpi, ça passe... On distingue des blocs, couverts d'une couche de glaise qui n'a pas dû être remuée depuis quelques millénaires... Un point intermédiaire, je continue... L'ordi affiche -4m... -3m... Je tremble à l'idée que mon fil pourrait casser et me laisser perdu dans cette touille. -2m, mais comment se fait-il que je croie voir un plafond de roche ? Mes bulles, crevant la surface, dissipent l'illusion d'optique. Et je sors la tête dans une salle exondée.

Je plante mes genoux dans la banquette d'argile. Quelle douce sensation de chaleur... L'air est respirable et je m'en délecte. Une fois le fil sécurisé (30m ont été déroulés), j'examine l'endroit.

La salle, de dimensions modestes, s'ouvre au-dessus d'une vasque de six mètres de large ; son sol présente une vaste pente d'argile qui monte d'une trentaine de degrés pour s'achever au contact de la roche dix à quinze mètres plus loin. L'orientation générale est de 250°. Il ne me semble pas qu'il y ait de continuité – encore que de petites dunes puissent cacher un minuscule départ. Il faudrait se déséquiper pour aller voir... mais cela prendrait beaucoup de temps, et ce n'est pas l'objectif du jour. Le plus important, c'est que nous avons désormais la certitude que lors des explorations futures, nous disposerons toujours d'un refuge accessible et confortable pour se remettre en condition ou attendre les secours, sans avoir à affronter la galerie profonde. C'est un formidable gage de sécurité.

10 minutes ont passé, je rentre. Les 30 mètres nouvellement posés sont franchis quasiment à l'aveuglette, je sécurise le fil de mon mieux. Vingt nouvelles minutes pour rentrer. Le "point bas" est franchi rapidement, et je remonte plus tranquillement dans "ma" partie connue... A -22m, l'euprocte habituel m'attend, juste à côté de l'amarrage. Un euprocte ? Ou un lamina déguisé ? Sérieusement ? Qui peut croire qu'un euprocte, animal sauvage et farouche, disposant ici du plus gigantesque réseau noyé du département, demeurerait précisément sur le passage de grands escogriffes bruyants et bulleurs pour leur faire – quasiment – un clin d'oeil chaque fois qu'ils reviennent d'une découverte ? Impossible d'être aussi crédule... Je lui fais un petit signe de la main.

Deux lampes brillent au-delà de la surface : Serge a donc rejoint Jean-Louis. Le temps passé dans l'exondé m'a permis de désaturer : plus de paliers nécessaires ! Un arrêt de principe de cinq minutes à trois mètres, et je remonte définitivement.

Je crache mon embout et résume.

"Ca sort !!!...

  • Ouaaiiiis !!! s'exclament les autres.

  • ...mais ça queute.

  • Oooooooh...."

 

Voilà donc où nous en sommes. Nous envisageons de retourner dans cette salle, avec des scaphandres plus aisément démontables, pour grimper la dune d'argile et s'assurer de l'absence de "départ" caché, et aussi pour y déposer, à demeure, un kit de survie à l'attention de tout plongeur susceptible de s'y réfugier au cours de futures explorations.

Frédo, pour sa part, continuera la prospection de la galerie nommée peut-être un peu hâtivement la "galerie-c'est-pas-par-là". L'actif principal s'y dissimule certainement.

Un grand merci à Jean-Louis et Serge, qui ont encore une fois sué sang et eau pour nous permettre d'avancer l'explo, à Laurent qui m'a hébergé, et à Frédo, à qui je dois tout (et je ne suis pas près de le rembourser), gloire à lui et sa famille.

Un dernier point : scientifique (et après je vous fous la paix).

Grâce au sens de l'observation de Jean-Louis, nous disposons désormais de la preuve tangible, indiscutable et irréfutable de l'existence des laminak, et ce depuis des temps très anciens, en un fossile de membre inférieur, d'une dizaine de centimètres environ, à l'extrémité distale palmée, qui nous a même permis d'estimer la taille du personnage entier à 40 centimètres. Cette découverte révolutionnaire fera prochainement l'objet d'une publication dans une revue prestigieuse – Nature, Karstologia ou Astrapi – dont nous vous ferons part le moment venu, restez attentifs.

Quelques confrères, tristes sires certainement jaloux ou à l'imagination trop fantaisiste, objecteront sans doute que le specimen en question évoque plutôt un morceau de stalactite tombé d'un plafond.

Nous ne gaspillerons bien entendu pas notre énergie à réfuter de pareilles billevesées que contredisent désormais les assertions irréfutables de la science.

Stéphane.

 

* mes cinquièmes = 1 cinquième d'air consommé à l'aller, il reste 4 cinquièmes de réserve au retour.

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Commentaires
D
Génial, bravo.
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